En juin 2025, un accord historique a été signé en faveur des transitions et reconversions professionnelles en France, venant transformer le paysage des dispositifs d’accompagnement pour les salariés et les entreprises.
Porté par les partenaires sociaux, ratifié notamment par la CFDT et l’U2P, et bientôt intégré dans la loi sur l’emploi des seniors, cet Accord national interprofessionnel (ANI) simplifie et modernise l’accès à la formation, sécurise les parcours professionnels et crée de nouvelles dynamiques collectives et individuelles pour anticiper les mutations du marché du travail.
Contexte et Enjeux de l’Accord
Dans un contexte d'accélération des mutations économiques, technologiques et climatiques, ainsi que de forte évolution démographique, les enjeux autour de la formation professionnelle, des mobilités et des reconversions sont cruciaux. Les entreprises peinent à recruter, certains métiers disparaissent, d’autres émergent. Ainsi, renforcer les passerelles entre emplois et domaines d’activité est devenu essentiel pour répondre aux besoins des entreprises et garantir l’employabilité des salariés.
L’Accord national du 25 juin 2025 vise précisément à répondre à ces défis, en fusionnant, modernisant et simplifiant le cadre des dispositifs en vigueur.
Deux dispositifs majeurs encadrent désormais les transitions professionnelles :
Le Projet de Transition Professionnelle (PTP)
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À l’initiative exclusive du salarié, le PTP est préservé et consolidé. Il permet à tout salarié (CDI, CDD, intérimaires, intermittents) de se former en vue d’une reconversion avec financement et maintien du contrat de travail.
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Le salarié conserve son droit au retour dans l’entreprise d’origine pendant la formation. Le PTP reste adossé au CPF (Compte Personnel de Formation), outil individualisé de financement.
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Organisation sécurisée autour des associations Transitions Pro (ATPro), avec accompagnement gratuit et sur-mesure par le Conseil en évolution professionnelle (CEP)
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Les critères d’éligibilité exigent cohérence du projet, pertinence de la formation et perspectives d’emploi, avec une attention particulière portée à la transparence des modalités de financement et à l’équité entre branches professionnelles.
La Période de Reconversion
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À l’initiative de l’employeur, la « période de reconversion » fusionne et remplace les dispositifs Transitions Collectives (TransCo) et Pro-A.
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S’adresse à tout salarié, quelle que soit la taille de l’entreprise, pour acquérir une ou plusieurs compétences ou blocs liés à une certification, dans le cadre de la reconversion interne ou externe.
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Maintien du contrat de travail pendant la période de reconversion, que ce soit en reconversion interne (au sein de la même entreprise) ou externe (nouvel employeur, signature d’un CDI ou CDD ≥ 6 mois). En cas d’échec de la période d’essai, la rupture du contrat avec l’employeur d’origine n’intervient que sous forme de rupture conventionnelle, ouvrant droit à indemnités et assurance chômage.
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Si la reconversion est interne, le CPF ne pourra financer que jusqu’à 50% des coûts pédagogiques, et toujours avec l’accord du salarié.
Entretien de Parcours Professionnel : Nouvelle Temporalité
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L’entretien de parcours professionnel, obligatoire pour tous les salariés, a vu son rythme espacé à tous les 4 ans (au lieu de 2), avec un bilan au terme de 2 cycles de 4 ans.
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Désormais, un premier entretien est obligatoire lors de la première année suivant l’embauche, ce qui favorise l’accès au dispositif pour les salariés en parcours discontinu ou en CDD, favorisant l’accompagnement dès le début du parcours professionnel.
Le Compte Personnel de Formation (CPF) au Cœur du Système
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Le CPF, élément central et individuel, reste mobilisable pour toute formation relevant de la reconversion professionnelle.
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Le cofinancement par l'employeur et le salarié est possible, notamment pour les périodes de reconversion (interne ou externe), sous réserve d'accord du salarié.
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Limitation stricte à 50% du cofinancement CPF dans le cadre d’une reconversion interne, ce qui évite toute pression indue de l’employeur sur les droits acquis du salarié.
Négociation et Dialogue Social : Un Axe Structurant
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Pour chaque projet de reconversion externe collective initié par l’entreprise (dès 50 salariés avec délégué syndical), la négociation d’un accord collectif devient obligatoire. La consultation du CSE (Comité Social et Économique) s’impose également, renforçant ainsi le dialogue social à la fois sur les besoins en compétences et sur l’anticipation des mutations.
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Dans les entreprises de moins de 300 salariés, la négociation est aussi requise (réponse à une revendication forte des syndicats), tandis que dans les plus grandes, les modalités sont encadrées dans les accords GEPP (Gestion des emplois et des parcours professionnels) ou RCC (Rupture conventionnelle collective).
Gouvernance et Pilotage
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Réorganisation de la gouvernance pour une coordination efficace entre partenaires sociaux, État et Régions.
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Création d’un espace stratégique national pour piloter l’ensemble des dispositifs.
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Renforcement du rôle de Certif Pro, qui coordonne stratégiquement et opérationnellement les 18 associations régionales Transitions Pro (ATPro), tout en conservant l'autonomie de leur conseil d’administration.
Modalités de Rupture du Contrat : Sécurisation Accrue
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Lorsqu’un salarié opte pour une reconversion externe, le contrat de travail avec l’entreprise d’origine est suspendu durant la période de reconversion puis rompu uniquement en cas d’échec de la période d’essai par rupture conventionnelle, garantissant ainsi les indemnités et l’accès au chômage.
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Pour les démissions-reconversions, les conditions pour bénéficier de l’allocation-chômage sont maintenues : nécessité d’un CDI antérieur, d’une ancienneté de 1 300 jours sur les 60 derniers mois, et d’un projet reconnu réel et sérieux par une commission ad hoc.
Mesures pour les TPE, PME et Publics Spécifiques
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L’accord intègre les spécificités et besoins d’accompagnement propres aux TPE et PME, avec des démarches simplifiées et des accompagnements adaptés pour sécuriser l’anticipation des compétences.
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Les employeurs de moins de 50 salariés peuvent décider unilatéralement d’organiser des périodes de reconversion en externe pour leurs salariés, ce qui élargit la possibilité de mobiliser le dispositif, notamment pour les publics les plus vulnérables.
Effets Attendus et Perspectives
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Renforcement de la lisibilité et de la simplicité des dispositifs (de douze dispositifs, on passe à deux parcours principaux).
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Meilleure sécurité dans les parcours de formation, orientation renforcée pour les salariés et sécurisation des financements.
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Anticipation des besoins en compétences dans un contexte de transformation rapide des métiers.
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Espoir d’une mobilisation accrue de la formation professionnelle, jusque-là freinée par la complexité administrative.
Intégration dans la Loi et Mise en Œuvre
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L’accord sera intégré dans la loi sur l’emploi des seniors via amendement, dans le cadre d’un projet de loi discuté à partir de juillet 2025.
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Les partenaires sociaux continueront de veiller à la transcription fidèle de l’accord dans la loi, avec une entrée en vigueur progressive à partir d’octobre 2026 pour certains volets (entretiens professionnels)
Critiques, Limites et Points de Vigilance
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Certaines organisations regrettent une ambition limitée et l'absence de nouveaux droits, préférant cependant la consolidation à un recul des avancées sociales.
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L’exigence de cofinancements pour les formations longues ou onéreuses pose des défis d’inégalités entre branches et territoires.
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Les syndicats restent vigilants sur le risque de contournement du dispositif par des employeurs moins scrupuleux et insistent sur l’importance du dialogue social pour sécuriser l’application des périodes de reconversion externe.
Récapitulatif des Avancées Clés
| Dispositif | Initiative | Contrôle du salarié | Sécurisation Contrat | Dialogue Social | Cofinancement CPF | Organes de pilotage |
|---|---|---|---|---|---|---|
| Projet de Transition Pro | Salarié | Oui | Oui | Non obligatoire | Oui (formation) | Transitions Pro (ATPro) |
| Période de Reconversion | Employeur | Accord du salarié | Oui (suspension/rcc) | Oui (CSE/GEPP) | Limité (interne 50%) | Certif Pro, ATPro |
Cet accord marque un tournant majeur pour l’accompagnement des parcours professionnels dans un monde du travail en mutation. Son ambition est de sécuriser chaque transition, d’accroître l’employabilité et de simplifier l’accès à la formation pour tous, quel que soit le parcours ou la taille de l’entreprise. La réussite de cette réforme tient à la mobilisation des acteurs, au dialogue social et à la capacité des partenaires sociaux à assurer une mise en œuvre conforme à la lettre et à l’esprit du texte.
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Sources:
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PDF Accord CFDT - Signature de l’Accord transitions et reconversions professionnelles 2025
https://ppl-ai-file-upload.s3.amazonaws.com/web/direct-files/attachments/71095798/1544ba98-9328-4954-a887-bc1cbbf22e30/20250701_sg_infoconf_signature_cfdt_ani_transitions_et_reconversions_professionnelles.pdf -
Centre Inffo - Analyse de l’ANI transitions professionnelles 2025
https://www.centre-inffo.fr/site-droit-formation/accord-transition-reconversion-2025-ani -
Transitions Pro - Dossier sur le nouvel Accord national interprofessionnel 2025
https://www.transitionspro.fr/article/le-nouvel-accord-national-interprofessionnel-sur-les-transitions-professionnelles -
CFDT - GEPP et dialogue social dans le cadre de l’ANI 2025
https://cfdt.fr/article/gepp-et-nouveau-dialogue-social-reconversion-ani-2025 -
Assemblée Nationale - Processus législatif emploi seniors & ANI transitions 2025
https://www.assemblee-nationale.fr/dossier/emploi-seniors-reforme-2025 -
U2P - Guide obligations employeurs TPE/PME et transitions/reconversion ANI 2025
https://u2p-france.fr/article/ani-2025-obligations-employeurs-tpe-pme-transitions-reconversion
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