Le 24 septembre 2024, la CFDT (Confédération Française Démocratique du Travail) a rencontré le Premier Ministre, Michel Barnier, dans un climat de tensions sociales et politiques. Cette rencontre, présidée également par Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail et de l’Emploi, marquait le début d’une série d'échanges avec les organisations syndicales et patronales. Ce rendez-vous crucial est intervenu dans une période de profond malaise social où la question du pouvoir d'achat, des retraites, des conditions de travail, et de la transition écologique figure parmi les préoccupations principales des travailleurs.
La CFDT, représentée par Marylise Léon (secrétaire générale), Yvan Ricordeau (secrétaire général adjoint), et Isabelle Mercier (secrétaire nationale), a eu l’opportunité de présenter au Premier Ministre ses revendications prioritaires. Ces revendications reflètent les attentes fortes des travailleurs et des travailleuses face à une crise économique grandissante et à une instabilité politique perceptible, notamment après le risque écarté de voir l’extrême-droite accéder au pouvoir en juillet. Cet article explore en détail les demandes de la CFDT, les enjeux soulevés lors de cette rencontre, et les perspectives à venir pour les travailleurs en France.
I. Les Grandes Revendications de la CFDT
La CFDT a formulé plusieurs demandes lors de la rencontre avec le gouvernement. Ces revendications sont centrées sur la protection des travailleurs et la recherche de solutions justes et inclusives pour faire face aux défis économiques, sociaux et environnementaux actuels.
1. Pouvoir d’Achat des Travailleurs
La question du pouvoir d’achat est l’une des préoccupations majeures soulevées par la CFDT. Le coût de la vie ne cesse d’augmenter, mettant à mal les travailleurs, en particulier ceux aux bas salaires et les ménages les plus vulnérables. La CFDT plaide pour une revalorisation salariale significative et une révision des grilles salariales tout au long de la carrière, que ce soit dans les fonctions publiques ou dans le secteur privé.
Les revendications incluent également une juste répartition de la richesse créée par les entreprises et un soutien aux dépenses contraintes des ménages, notamment celles liées au logement. La CFDT rappelle que des branches entières ont encore des minima en dessous du SMIC, une situation jugée inacceptable. Elle demande donc que le respect des obligations légales, comme la conformité des minima de branches au SMIC, devienne une condition pour bénéficier d’exonérations de cotisations sociales.
2. Conditions de Travail et Démocratie au Travail
Les conditions de travail sont au cœur des préoccupations de la CFDT, surtout après les réformes récentes, comme celle des retraites en 2023. La CFDT constate un changement du rapport au travail, marqué par une intensification continue et une dégradation des conditions de travail, tant dans le secteur privé que dans le public. Les travailleurs souhaitent un travail de meilleure qualité, permettant de vivre dignement tout en se sentant respectés.
Pour améliorer la situation, la CFDT propose des mesures de renforcement de la prévention des risques professionnels, la prise en compte des risques émergents et l’amélioration des pratiques managériales. Le syndicat appelle également à une meilleure démocratie au travail, notamment en favorisant le dialogue social et en donnant davantage de pouvoir aux représentants du personnel pour agir sur les conditions de travail réelles.
3. Transition Écologique Juste
La CFDT appelle à une transition écologique juste, articulée autour de la démocratie et de la justice sociale. La transition écologique ne peut pas être imposée de manière verticale ; elle doit être co-construite avec l’ensemble des acteurs sociaux et économiques pour minimiser l’impact sur les travailleurs. La CFDT propose des assises du financement de la transition écologique, qui permettront de dégager des fonds pour garantir cette transition sans déstabiliser les secteurs industriels ni augmenter les inégalités.
En parallèle, elle plaide pour une stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique, afin d’éviter le surcoût de l’inaction, estimé à des milliards d’euros par an. L'un des points clés est l'implication des travailleurs dans cette transition à travers des dispositifs comme les comités stratégiques de filières, où les syndicats pourront jouer un rôle actif dans la planification des transformations nécessaires.
II. Les Priorités Actuelles du Gouvernement
Le gouvernement, représenté par le Premier Ministre Michel Barnier, n’a pas apporté de réponses définitives lors de cette première rencontre, mais il a souligné l’importance du dialogue social dans la période actuelle. La dégradation des comptes publics a été évoquée comme un facteur limitant la capacité d’action immédiate, un point qui inquiète la CFDT, particulièrement concernant les réformes des retraites et de l’assurance chômage.
1. Réformes des Retraites
La CFDT a exprimé ses inquiétudes face à la réforme des retraites de 2023, notamment le report de l’âge légal à 64 ans, une mesure qui renforce les inégalités pour les travailleurs en fonction de leur parcours de vie et leur exposition à des métiers pénibles. La CFDT continue de plaider pour un âge de départ plus équitable et demande la réintégration des quatre facteurs de pénibilité exclus en 2017 dans le compte professionnel de prévention (C2P).
En matière de pensions, elle demande la revalorisation des minima de pension et une meilleure prise en compte des interruptions de carrière, notamment pour les femmes. La question de l’emploi des seniors a également été abordée, un sujet souvent négligé dans les discussions sur les retraites.
2. Assurance Chômage
La CFDT souhaite éviter le durcissement des règles d’indemnisation de l’assurance chômage prévu par le précédent gouvernement. Elle s’est dite prête à entamer une négociation rapide pour empêcher ces mesures qui risquent de pénaliser les travailleurs, notamment les jeunes et ceux en contrat précaire. L'accord de 2023 sur l'assurance chômage est également mis en avant pour montrer qu’un consensus social est possible pour améliorer l’accès à ce dispositif essentiel.
III. Focus sur les Revendications Sociales et Écologiques
1. Transition Écologique
La transition écologique figure parmi les sujets centraux de la CFDT. Pour la confédération, la lutte contre le réchauffement climatique et la perte de biodiversité doit être menée de manière à garantir la justice sociale. Il ne suffit pas d’imposer des normes environnementales strictes ; il faut également accompagner les travailleurs dans ces transitions pour éviter les pertes d’emplois et la précarisation de certains secteurs industriels.
La CFDT propose une gouvernance démocratique de la planification écologique, impliquant les acteurs sociaux et économiques dans les décisions majeures à prendre. En outre, la confédération souhaite que les entreprises bénéficiant d’aides publiques pour leur transformation écologique s’engagent à respecter des critères sociaux et environnementaux.
2. Jeunesse : Un Avenir Incertain
La CFDT attire également l’attention sur les jeunes travailleurs, qui sont de plus en plus confrontés à une précarité grandissante. Le syndicat réclame des politiques plus ambitieuses pour garantir aux jeunes un accès à un emploi de qualité et à des conditions de vie dignes. Parmi les propositions figurent la garantie d’un logement digne, l’amélioration de l’accès aux soins, et une réforme des bourses étudiantes pour mieux lutter contre la précarité.
La CFDT défend également l’idée d’une garantie jeunes universelle, combinant allocation financière et accompagnement vers l’insertion professionnelle. Le Contrat Engagement Jeunes (CEJ), bien que mis en place, n’atteint pas encore tous les jeunes en difficulté, notamment ceux sans emploi ni formation.
IV. Conclusion : Perspectives et Enjeux à Venir
La rencontre entre la CFDT et le gouvernement français marque le début d’une phase cruciale pour l'avenir des travailleurs. Si les réponses gouvernementales sont encore attendues, les revendications de la CFDT révèlent des besoins urgents : garantir un pouvoir d’achat suffisant, améliorer les conditions de travail, sécuriser l’avenir des jeunes, et réussir une transition écologique juste. Le dialogue social apparaît plus que jamais comme la clé pour sortir des crises sociales et économiques que traverse la France.
La CFDT continuera de défendre ces causes dans les mois à venir, et sa capacité à obtenir des résultats dépendra en grande partie de la volonté du gouvernement à s’engager dans une véritable concertation avec les syndicats. Le discours du Premier Ministre à l'Assemblée Nationale dans les jours qui suivent donnera peut-être un premier aperçu des mesures qu’il entend prendre pour répondre à ces revendications essentielles.